“Dès que je recevrai mon diagnostic, je le dirai à tous, je le crierai sur les toits, je partagerai enfin ma différence”.
Mais cela ne s’est pas vraiment passé ainsi ! Je n’étais pas préparée, je ne pouvais mettre des mots sur ce que je ressentais, je ne pouvais expliquer ce qu’est le syndrome d’Asperger (expression retirée du DSM-5 version 2013 et maintenant faisant partie du trouble du spectre de l’autisme “TSA”). Malgré toutes mes recherches et mes découvertes sur le sujet, je croyais en savoir beaucoup mais ce n’était évidemment pas le cas à ce moment-là, soit après avoir reçu le diagnostic en 2017. Si l’on est mal préparé et que nos émotions prennent le dessus, on risque de s’y prendre de la mauvaise façon et de mettre mal à l’aise notre interlocuteur et ainsi ne pas focaliser sur l’objet de la conversation ; il vaut donc mieux attendre d’avoir assumé son nouveau “soi”, surtout avant d’en faire l’annonce à ses supérieurs au travail ! Puisque je voyais une urgence de faire connaitre mon état mais que je n’étais pas préparée à en parler de vive voix, l’idéal aurait été de remettre une lettre expliquant ma situation et faisant mention de ce qui me dérange, ce que j’aimerais obtenir ou modifier afin d’être en mesure de travailler dans un endroit adapté à ma situation. Par conséquent, je suis certaine à 99% que mes interlocuteurs n’ont rien retenu, ou peu, de cet échange. Bizarrement, je me suis sentie moins jugée par mes collègues de travail que par ma famille. En effet, avant d’en parler à quelques membres de ma famille, j’ai eu la crainte d’avoir des commentaires clichés sur l’autisme, des réactions négatives et non appropriées, et avec raison, du genre : “On est tous un peu autiste” ; “Mais toi, t’es pas de haut niveau, hein?” ; “T’es certaine de cela ça ne parait pas” ; “Ok, on boit à ça!” ; (malaise).
L’autisme est très complexe et il n’y a pas deux personnes autistes identiques, c’est déjà assez difficile pour nous de s’y retrouver devant toutes nos spécificités respectives et de finir par se comprendre, imaginer une personne qui ne connait absolument rien sur le sujet et qui est on ne peut plus neurotypique, et qui, de surcroît, ne souhaite même pas en apprendre sur le sujet.
J’ai l’impression, et pas seulement, que l’on m’a toujours trouvé différente, bizarre voir même extraterrestre, mais étrangement les gens ont de la difficulté avec ce “nouveau moi” (pour eux), et doivent se repositionner afin de me “caser” à un autre endroit. Parce que oui, nous sommes dans un monde où les gens sont étiquetés et casés selon l’ethnie, le genre, le statut social, le niveau d’éducation, la couleur de la peau, la quantité de biens acquis, le riche ou le pauvre, le métier, pour ne nommer que celà. Mais l’autisme, lui, est invisible aux yeux du monde et c’est comme si le fait de lever le voile sur qui l’on est vraiment, déboussole certaines personnes tout en éclairant d’autres, selon la relation que l’on a avec chacun. En effet, les personnes avec lesquelles je suis à l’aise, il y a peu de chance de commettre des erreurs, des tics, des bévues, et encore, je ne suis pas immunisée à ce que celà ne m’arrive pas, mais il est plus courant d’agir “en autiste” (sans préjudice et sans vouloir choquer personne) avec les personnes avec lesquelles je me sens mal à l’aise, même avec des personnes connues.
Le TSA, surtout de haut niveau, est donc méconnu pour la très grande majorité de la population. Voilà pourquoi il est si difficile de parler du sujet, les différences chez les personnes ayant un TSA, sans compter les milliers de croyances, ne donnent pas espoir à qui le veut bien, de se dévoiler. Il serait préférable alors de s’en tenir à plus simple et de faire connaitre nos faiblesses et spécificités à chacun en des termes plus connus et acceptés de la société, tels que hypersensible (à la lumière, au son, au toucher), rigidité (horaire, parcours, changement), malaise en public, prosopagnosie (difficulté à reconnaitre les visages), changement d’humeur soudain, anxiété, bref, je ne peux pas tout nommer, mais il y a un nombre assez élevé de comorbidités et de traits différents et inhérents à chaque personne, sans oublier de spécifier ses forces qui sont de plus en plus recherchées dans plusieurs entreprises.
Alors, est-ce nécessaire de sortir du placard de l’autisme ? Pour moi, cela a été bénéfique, pour m’avoir permis d’aller de l’avant et de ressentir une forme de libération. Je souhaitais obtenir la compréhension des gens, j’avais souvent l’impression qu’ils avaient un point d’interrogation tatoué sur le front !
Maintenant, je ne me sens plus obligé d’en parler puisque j’ai l’impression que le monde qui m’entoure est au courant de ma situation, même si ce n’est sûrement pas toujours le cas, cela m’enlève tout de même un stress et de la pression, mais aussi parce que je suis dans l’acceptation de moi. Je ne vois pas non plus l’utilité de parler du TSA à des personnes que je rencontre à l’improviste et que je ne reverrai sûrement plus, cela n’est vraiment pas nécessaire.
De toute façon, à quoi bon essayer d’expliquer un état qui pour moi est tout à fait “normal”. Est-ce qu’une personne neurotypique doit toujours se justifier, s’expliquer? Je ne crois pas. Et comme disait une psychologue que j’ai rencontrée dans le passé : “Avant tout, tu es humaine”!
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