L'image reflète mon ressenti, ma souffrance lors d’un état de mutisme, derrière un air de calme, de patience, de résilience.
Le mutisme est le refus ou l’incapacité psychologique de parler ou encore l’attitude, l’état d’une personne qui se tait, refuse de parler. Le mutisme n’est pas un trait autistique mais bien une comorbidité qui peut être reliée à l’autisme.
Dans le jargon médical, on nomme cet état “mutisme sélectif”. Ce terme peut porter à confusion et faire comprendre que la personne autiste choisit de parler ou non selon la situation qu’elle vit. Hors, tout récemment, j’ai entendu l'appellation “mutisme involontaire” que je trouve plus appropriée aux personnes vivant avec un TSA.
Bref, le mutisme sélectif ou involontaire, fait partie de ma vie depuis mon tout jeune âge. Lors de certaines rencontres dans lesquelles je me trouve particulièrement vulnérable, il m’est impossible de m’exprimer, je ressens un blocage qui entrave le chemin de mes pensées jusqu’à la parole. Ce n’est pas voulu, c’est juste ainsi et difficile à expliquer.
Paradoxalement, j’ai un emploi qui demande un tant soit peu d’interaction sociale. Lorsque j’ai fait application pour ce travail, je ne savais pas à ce moment-là qui j’étais, je m’étais alors dit que le fait d’assister à des rencontres et d’avoir un emploi où j’aurai l’occasion de socialiser, je pourrais passer par-dessus ma grande timidité et par conséquent cela débloquerait mon sens de la communication.
Toutefois, quelques mois après mon embauche, et d’avoir entendu près de moi “ça suffit la gêne”, j’ai réalisé que mon problème était sûrement plus que la simple timidité. Je ne savais jamais comment agir avec les gens, quand parler, quand me taire, quoi dire, quoi faire, bref, toutes des questions qu’un humain “normal” ne se pose pas.
Donc, lors des réunions et autres rencontres sociales, il m’était tout simplement impossible de parler, comme si j’avais un interrupteur qui se mettait automatiquement à “off”.
Mais parlons du mutisme sélectif, puisque c’est ce terme qui est employé dans le DSM ; dans le DSM-IV, classé dans les troubles apparaissant habituellement dans l'enfance, est aussi classé maintenant dans les troubles anxieux dans le DSM-V.
Le texte suivant, mis en retrait et en italique, provient d’un extrait dont je cite la source à la fin et, entre parenthèses, je me permet quelques commentaires.
Comme il y est décrit dans le DSM-IV le mutisme sélectif se définit par les critères diagnostiques suivants :
A. Incapacité régulière à parler dans certaines situations alors que l’enfant parle normalement dans d’autres situations.
B. Le trouble interfère avec la vie scolaire ou sociale
C. Le trouble dure depuis au moins 1 mois - pas seulement le 1er mois à l’école
D. L’incapacité à parler n’est pas liée à un défaut de connaissance ou de maniement de la langue
E. L’incapacité à parler n’est pas expliquée par un trouble de la communication comme le bégaiement ou d’autres troubles mentaux tels que l’autisme.
La plupart des spécialistes le rangent parmi les troubles anxieux. Certains y voient une forme particulière de phobie sociale (diagnostic que j’ai reçu par un psychiatre).
En pratique : Un enfant mutique ne parle que dans les situations où il se sent suffisamment en confiance (en effet, je n’avais, et je n’ai toujours, aucune difficulté à interagir avec ma famille) ; dans les autres situations sociales, il se tait. Cela ne dépend pas du nombre de personnes présentes, de qui elles sont, du lieu, des circonstances, mais de tout cela à la fois (tout à fait !).
Le mutisme sélectif est un type particulier de phobie. Il est involontaire, irrationnel, puissant et difficile à vaincre. La personne veut parler mais n’y arrive pas (et c’est frustrant, autant pour corriger des informations erronées que pour défendre son point de vue).
-Quand la personne parle-t-elle et quand ne parle-t-elle pas ?
Plusieurs variables entrent en compte.
Tout d’abord, la familiarité avec la personne présente. Il est plus facile de parler avec une personne familière qu’avec une personne inconnue. Par contre, il est également souvent plus facile de parler avec une personne inconnue qu’avec une personne moyennement familière et qui connaît donc l’enfant dans son mutisme. (Effectivement, les personnes qui ne me connaissent pas n’ont pas d’idées préconçues de mon état, je ne me sens donc pas jugé, et je peux imiter une personne de confiance).
Autre variable, le nombre de personnes présentes et le fait de pouvoir être entendu par ces autres personnes ce qui dépend du lieu et du bruit de fond. (En effet, j’ai toujours eu l’impression qu’un groupe de plus de trois personnes me faisait perdre tout mes moyens)
Le lieu et la pression ressentie - risque de dire une bêtise, attente d’une réponse rapide, crainte de la réaction d’autrui, fait d’être observé - jouent aussi un rôle.
La nature de la production verbale entre également en compte. S’agit-il de donner une simple réponse ou prendre l’initiative de parler ? Quel est le niveau d’articulation, d’effort physique et de volume requis ? (autant de questions qui nous traversent l’esprit)
Enfin cela peut varier en fonction de la complexité linguistique ou de la longueur de la phrase. (Il est plus facile pour moi d’exprimer des bribes d’informations simples et concises que de m’aventurer dans de grandes explications)
-Quelles sont les causes du mutisme sélectif ?
Les causes sont complexes. C’est une combinaison probable de facteurs génétiques et environnementaux. Les parents des enfants mutiques ont souvent une histoire de timidité, d’anxiété, de phobie sociale ou de mutisme sélectif. Par contre, l’origine traumatique et le dysfonctionnement familial sont aujourd’hui des explications écartées.
-Naissance du problème
L’enfant se retrouve face à une situation sociale qui provoque de l’anxiété chez lui. Il se réfugie dans le silence. Son anxiété diminue. La prochaine fois, l’enfant est plus susceptible de se taire.
-Prévalence
Le mutisme sélectif touche environ 7 enfants sur 1000 mais on estime qu’il est largement sous-diagnostiqué. La prévalence est légèrement plus élevée chez les filles que chez les garçons mais nettement plus élevée chez les enfants immigrants ou bilingues.
-Déclenchement
Habituellement, le mutisme sélectif se déclenche vers 5 ans. Il est souvent insidieux parce que l’enfant est vu comme particulièrement timide (tant de fois où l’on m’a dit “timide”). Généralement, la première consultation à lieu plusieurs années plus tard. Un an est souvent perdu entre la première consultation et le moment où le diagnostic est posé.
-Évolution
Une évolution positive est fréquente mais certains enfants restent mutiques en secondaire et un certain nombre d’adultes demeurent atteints et vivent dans une souffrance importante (c’est mon cas). Les adultes ayant souffert de mutisme sélectif pendant l’enfance, sont plus sujets aux phobies.
Plus le problème est traité tôt, meilleurs sont les pronostics. Une prise en charge précoce est donc recommandée.
-Problèmes fréquents
Pour les parents
Il est difficile de réaliser et d’accepter le problème. Ils ont tendance à penser qu’il s’agit de timidité et que « cela va passer ». Ils rencontrent également des difficultés à trouver une aide adéquate des professionnels. Ils doivent souvent faire face à l’incompréhension de l’entourage et à un manque de soutien voir à l’hostilité d’acteurs-clés dans la vie de l’enfant.
Pour les enseignants
Ils ignorent ce qu’est ce trouble. Ils éprouvent un malaise et se demandent ce qu’ils font mal. Ils ressentent du découragement lorsqu’ils essaient d’aider l’enfant face à l’évolution très lente et cela pose problème pour certaines activités comme la lecture.
(Source : « De la timidité au mutisme sélectif… » par Eric Uyttebrouck)
“La liberté d’expression est un droit humain fondamental et nous devrions tous pouvoir s’en prévaloir sans qu’elle ne soit brimée par la peur irrationnelle et l’anxiété” - Femme Autiste Asperger
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